L’eau potable : Dans le silence des oubliés de Port-au-Prince
Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, est un lieu où la beauté naturelle contraste avec des niveaux élevés de misère et d'insécurité. La ville abrite de nombreux camps de déplacés en raison de la violence armée, où des milliers de personnes vivent dans des conditions précaires. L'accès à l'eau potable représente un défi majeur dans plus de 85 sites de déplacés, rendant ce besoin fondamental difficilement accessible pour beaucoup.
« Nous n'avons pas d'espaces appropriés pour loger. Quand il pleut le soir, arrangez-vous les enfants, arrangez-vous. C'est très difficile de dormir ici. Parce que l'espace est transparent, et l'eau coule à flot. Nous devons croupir et tenir sur nos bras les enfants pendant longtemps pour dormir », témoigne Evelyne, une mère célibataire de six enfants dont le père a été tué lors des attaques orchestrées par les gangs à Carrefour Feuilles.
Robinet vide, ventre creux
La situation dans les camps de déplacés de l'Université Antilles et de l'école Bambinerie est extrêmement alarmante et occupante. Le manque d'infrastructures de base, d'accès à l'eau potable et à des installations sanitaires adéquates pose de graves risques pour la santé des résidents. Ces conditions peuvent entraîner des épidémies de maladies hydriques, augmenter la vulnérabilité des populations, et compliquer la réponse humanitaire au détriment de ces déplacés.
Aris Jina, infirmière et mère célibataire de trois enfants, témoigne de la montée vertigineuse de la situation au Golgotha et espère une amélioration. "Il est crucial d'augmenter l'intervention humanitaire pour fournir des infrastructures sanitaires temporaires dans les camps, des points d'eau potable et des services de santé mobile. La collaboration avec des ONG locales et internationales est un atout, ainsi que solliciter l'aide des gouvernements et des agences internationales, pourrait aider à répondre aux besoins urgents de ces communautés déplacées. Parce que ce que je vois ici dans ce camp comme enjeux sanitaires, c'est le cas pour les autres camps; il est plus qu'urgent d'agir," a-t-elle indiqué désespérément.
"Nous n'avons pas d'eau, nous n'avons pas de quoi manger. Nous n'avons rien. Je ne souhaite qu'une chose, que le pays change pour que je puisse retourner à mes activités," a affirmé tristement Tania, une mère privée de ses enfants suite à la violence armée perpétrée par les gangs dans la capitale depuis février 2024.
Ces camps abritent plusieurs centaines de déplacés qui sont privés d'eau potable depuis plus de soixante jours. Les habitants, comme Tania et Eveline, luttent quotidiennement pour leur survie dans des conditions dignes d'un cauchemar.
Leur quotidien est marqué par la recherche incessante d'eau et de moyens pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Où trouve-t-on, nom de Dieu ?
À la ruelle Rois, il est 10h du matin. Seulement 10 mètres séparent les deux sites de l'avenue Christophe et de la ruelle Rois. Tania, veuve de quatre enfants, se bat pour survivre. Ses enfants sont dispersés, et leur père a été tué lors des affrontements entre gangs. Cette tragédie quotidienne reflète la dure réalité à laquelle sont confrontés les habitants de ces camps.
À bout de souffle dans ce silence qui ronge les souvenirs de sa vie antérieure avec ses enfants, Tania ne ménage pas ses mots : "J'ai quatre enfants, mais la violence armée à Port-au-Prince les a enlevés de mes bras. Je ne sais pas où ils sont pour l'instant," a-t-elle ajouté timidement.
Dans le silence des besoins de base
Les tuyaux ne coulent plus et les bassins sont secs. Les habitants, y compris des dizaines d'enfants de moins d'un an, sont contraints de vivre dans une résignation hygiénique lamentable. Cette situation chronique risque d'aggraver les précarités et de provoquer des maladies bucco-dentaires et d'autres infections.
Selon l'ONU, au moins 1 000 enfants meurent chaque jour dans le monde à cause de l'eau insalubre. Cette statistique alarmante souligne l'importance cruciale de l'accès à l'eau potable pour la survie et la santé des enfants, une réalité encore plus pressante dans les camps de déplacés à Port-au-Prince.
"Je vis dans une situation extrêmement grave. Je ne sais à quel saint me vouer ! Parce que je ne peux plus," a-t-elle craché Junia en essayant de tenir désespérément ses propos.
Il faut souligner que plus de 580 000 personnes ont été contraintes de se déplacer en raison de la violence armée orchestrée par les gangs dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Ces déplacés vivent dans des conditions extrêmement précaires dans les camps. Depuis début mars 2024, ce chiffre a augmenté de 60 %, aggravant encore la pénurie d'eau potable.
Jusqu'à quand un verre d'eau potable cessera-t-il d'être un cauchemar pour les déplacés ? Jusqu'à quand les cris de ces populations seront-ils entendus pour transformer leur pénurie d'eau potable d'un rêve inaccessible en une réalité quotidienne ? Le temps presse pour répondre à cette crise humanitaire et garantir à tous un accès à ce besoin fondamental.
Elmano Endara JOSEPH
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